26 novembre 2015 0 Commentaire

Chéri(e), on a numérisé les gosses ! 2/ Aux Armes Citoyens, formez vos rejetons !

Projets numérique pour cancres digitaux

Les plans de développement du numérique à l’école ont depuis plusieurs années maintenant atteints concrètement les bancs et les tableaux noirs tactiles de 1ère génération – le fameux trio magique : Ardoise, Craie, Éponge - grâce à l’informatisation des établissements scolaires.

Mais cet effort indéniable de plusieurs dizaines de millions d’euros pour les lycées dès 2010 (cf. Plan de développement des usages numériques à l’école), passe désormais à la vitesse supérieure en dotant écoles et collèges de moyens numériques dont il n’est pas question de contester la nécessité, l’école se met au diapason technologique du vécu domestique et les moyens semblent s’accorder aux ambitions  affichées :

-       1 milliard d’euros  dédié, sur 3 ans, à l’école numérique

-       600 établissements (écoles et collèges) expérimentaux connectés

-       100% des enseignants équipés de PC-tablettes dotés de ressources pédagogiques numériques d’ici à 2020

-       70%  des élèves de primaire et collège équipés en terminaux individuels et collectifs d’ici à 2020

-       plus de 60 % de ressources numériques dans le budget des ressources éducatives d’ici à 2020

-   Plus de 70 000 élèves et 8 000 enseignants expérimenteront, l’année scolaire 2015/16, de nouvelles formes d’enseignement et d’apprentissage grâce au numérique

La démarche actuelle privilégie une approche scientifique du numérique éducatif, intégré aux matières existantes. C’est en soi un effort colossal de la République que l’on doit saluer en tant que tel.

Toutefois, à l’aune des interrogations énoncées dans la première partie (cf. L’avenir de l’EldoraData passe par l’école), il y a tout de même un bémol concernant l’effort pédagogique qu’il conviendrait de mettre en avant afin de doter notre progéniture, pas seulement de moyens d’accès à la toile et sa fabuleuse capacité archivistique et documentaire, mais également de véritables réflexes sur la maîtrise individuelle et collective de ses propres données à caractère personnel.

En effet, même si l’outil pédagogique actuel, le brevet informatique et internet (B2i) aborde cette thématique au niveau du référentiel pour le collège, celui qui concerne les écoliers ne la traite pas.
Sans doute faut-il  considérer que cette responsabilité incombe donc en priorité à l’entourage de l’enfant.
Notons également que ce brevet n’est pas un examen, mais une simple « attestation de compétences » dont on ne sait sur quels critères précis elle peut être délivrée ou pas.
Dans l’item consacré à la protection de la personne et de ses données, les démarches d’acquisition concernant l’évaluation sont libellées comme suit (extraits) :

-       L’élève sait ce qu’est une donnée à caractère personnel. Il sait ce qu’est la CNIL et quelles sont ses finalités.

-       Il est capable de retrouver les conditions d’utilisation, de diffusion et de suppression des informations personnelles lorsqu’il utilise un service en ligne.

 Il est curieux d’observer que ce sont ces compétences qui sont à ce jour les moins correctement mis en œuvre au quotidien dans notre société numérique.

Questionner notre entourage sur celles-ci et sur la réalité de l’attention que chacun y porte, peut nous laisser perplexe sur ce qui est réellement acquis dans ces domaines par nous même et nos enfants.

 Essayez.

 Investissements d’avenir

Cette réflexion est donc balbutiante et elle ne trouve d’ailleurs quasiment aucun écho dans les initiatives concrètes du plan de numérisation de l’Education Nationale qui se met en place.

Ainsi,  le sujet est il abordé de façon anecdotique, sans développement ni prise d’attention particulière, ainsi qu’en témoigne le (très) court article 2.7 du dossier de candidature du projet e-FRAN doté de 30 M€, élaboré dans le cadre du Programme d’Investissements d’Avenir de l’Education Nationale (lire le Communiqué de la ministre de l’Education Nationale) :

-       2.7. Données à caractère personnel : Les porteurs de projet s’engagent à effectuer toutes les démarches et déclarations nécessaires au regard de la loi informatiques et libertés du 6 janvier 1979 modifiée. 

Cela a au moins le mérite de la concision.

Les compétences de la CNIL ne se discutent pas sur ce terrain et l’explosion des pratiques numériques chez les 7-12 ans a été relevé par l’institution qui n’a pas manqué de reconduire le 12 octobre dernier (en partenariat avec France 4, France Télévision éducation et Skyrock), le trophée EDUCNUM, le dépôt de dossiers est ouvert jusqu’au 15 février 2016.

L’ambition de ce trophée est de sensibiliser cette classe d’âge – qui passe désormais 5h30 par semaine sur internet contre 4h50 en 2012 –  aux dangers d’exposer et d’échanger des données de leurs (jeunes) vies privées sur les réseaux sociaux.

Ce travail en amont est salutaire à double titre : pour l’objectif louable qu’il poursuit et pour soulager cette institution qui peine face à l’accroissement des litiges et des plaintes qu’elle est amenée à traiter à budget quasi constant.

Nul doute alors qu’une attention toute particulière devrait être portée sur les dossiers de candidatures e-FRAN  privés ou publics qui seront déposées au plus tard le 5 février 2016 à propos de cette démarche déclarative auprès de la CNIL.

Autant agir préventivement et prendre toutes les précautions.

En ce sens le projet EDUCNUM en prend sa part tandis que l’engagement demandé par le projet e-FRAN ne souligne pas plus de pré-requis sur le sujet qu’il n’annonce que ce point pourrait être une critère de sélection des propositions qui seront évaluées.

Propositions de solutions dont la dominante en termes de technologie devrait vraisemblablement être assez éloigné de l’ardoise magique évoquée plus haut, et s’ouvrir plutôt massivement  aux usages numériques interconnectés.

La complémentarité de ces deux actions à l’échelle nationale aurait mérité d’être mise en exergue. L’apparente non coordination entre celles-ci donne plutôt l’impression que nous cherchons à faire vite pour d’un côté, donner rapidement de la substance, donc du contenu applicatif à l’effort d’équipements des établissements scolaires, c’est le projet e-FRAN ;  et d’autre part les trophées EDUCNUM qui cherche à désigner des solutions technico-pédagogiques pour prévenir les dommages et les risques liés à l’usage de ces contenus applicatif, en ouvrant par ailleurs cette compétition à une population ciblée par son âge, la tranche des 18-25 ans.

Autrement dit, d’un côté des acteurs privés-publics sont appelés à proposer des applications nouvelles et de l’autre,  des utilisateurs sont conviés à proposer des solutions susceptibles d’améliorer l’attention et les moyens de nature à superviser le fonctionnement des premiers.

Sans doute pourrions-nous distinguer ici un léger manquement dans l’unité d’action, voire une certaine dichotomie dans la représentativité et donc le poids des concourants, force est de constater en tout cas que si le terrain est partagé, le temps de la réflexion en commun lui, ne l’est pas.

Enseigner le Digital

Bien innocent serions-nous alors d’imaginer un seul instant que des moyens autres que ceux précédemment décrits vont être mis en œuvre pour encadrer les transferts de données de la vie privée, familiale, vers ces nouveaux outils de collecte mis à la portée de notre progéniture.

Pas plus qu’il ne faut rêver à ce que toute cette mosaïque d’applications qui emprunteront au minimum 2 fois par jour le chemin de l’école, soit globalement sécurisée et garantisse  l’anonymisation des données à caractère personnel  lors de ces communications entre appareils connectés et services de collectes.

En filigrane se pose également la question du devenir des informations générales et individuelles numérisées, bulletins scolaires, minutes des conseils de classe ou de discipline, journal des connexions,  échanges de courriels, consultations et téléchargements effectués à partir de telle ou telle classe de CM2 ou de 4ème, à partir d’une tablette ou d’un téléphone depuis la cours de récréation…

Est-il prévu une zone de stockage particulière ? Une stratégie « cloud » ? De l’encryptage ? Des restrictions d’accès ? Bref, la question de la sécurité informatique est prégnante. Elle est pourtant peu évoquée.

C’est là qu’il nous faut porter l’effort d’attention.

Apprendre à traverser une rue, à se déplacer en marquant des pauses pour regarder sur les côtés, intégrer les notions de respect et les règles de savoir-vivre, font partie de l’éducation des enfants. Cette dernière trouve son extension  au-delà de la sphère familiale, par l’apprentissage de matières dont la lecture et l’écriture constituent l’ossature du développement permettant d’appréhender le monde vivant et d’interagir avec lui.

Cette mission est dévolue à l’école de la république, que celle-ci devienne numérique n’y change rien, c’est à elle d’intégrer dans ses programmes éducatifs un véritable enseignement de cette nouvelle matière – que l’on pourrait nommer « Digital » – et ce, bien en amont de l’apprentissage du code informatique qui ne représente que l’une des bases de cette nouvelle discipline.

Ouah, le bol, c’est le prof de Digital qu’est mon prof principal !

L’internet est une géographie à part entière, un conglomérat d’offres de services, de solutions, de marchands, de savants, d’ignorants, de voleurs et de policiers, un véritable corps social dépassant les logiques et les politique d’Etats, avec ses propres règles dont l’histoire s’écrit au jour le jour et qui se régule sous l’impulsion et la promulgation de lois. Des lois qui contraignent notre liberté individuelle autant qu’elles doivent la protéger. C’est cela qui doit être enseigné, les bases légales tout autant que la compréhension des enjeux liés à la consommation que chacun fait, à sa manière, du réseau. Bref, une nouvelle matière à enseigner dans la globalité de ses domaines d’interactions avec le vivant.

Inscrire cet apprentissage de façon durable dans un cursus clairement identifiable à l’instar des Mathématiques ou de l’Histoire-Géo pour ne citer qu’elles, permettra ainsi à chaque citoyen en devenir de ne pas se laisser transformer à l’insu de son plein gré en simple acteur-consommateur de la règle du jeu édictée par des firmes et des modèles plus ou moins contrôlée par nos gouvernements.

Encore faudrait-il que cet objectif soit partagé par tous, ne serait-ce que pour échapper aux reproches que ne manqueront pas de nous renvoyer à la figure des enfants qui, un jour, demain, confrontés à une réalité qui les considérera avant tout comme des produits, n’apprécieront alors que modérément l’exposition aux risques que nous avons consentis pour eux.

L’enjeu est de taille, alors soyons exigeants et restons vigilants.

Sources et documentation :

  1. Marc Zuckerberg : Le concept même de vie privée est aujourd’hui obsolète 
  2. Restitution de la Concertation nationale sur le numérique pour l’éducation du 7 mai 2015
  3. Faut-il redéfinir le concept de vie privée ? Chronique du 7 juin 2013 de Luc D’urso dans le Journal Du Net 
  4.  Jean-Marc Manach,  « La vie privée, un problème de vieux cons ? » (2010 – Edition Fyp, collection Présence, 224 pages) 
  5. Plan de développement des usages numériques à l’école (novembre 2010) 
  6.  Référentiels  du brevet informatique et internet (B2i) école-collège-lycée et CFA  
  7. Collège : Brevet Informatique et Internet Compétence 4 du socle commun
  8. École : Brevet Informatique et Internet Compétence 4 du socle commun
  9. Le Certificat informatique et internet (C2i) – circulaire d’Avril 2002 
  10. Ressources pédagogiques / Référentiel de cours / C2I Mutualisé de l’Enseignement Supérieur 
  11. Projet e-FRAN Communiqué de la ministre de l’Education Nationale 
  12. Appel à projets eFRAN : e pour espaces territoriaux, F pour formation, R pour recherche, A pour animation, N pour numérique
  13. Trophée EDUCNUM 
  14. Liste par académie des 500 écoles et collèges sélectionnés par le Ministère de l’Education Nationale 
  15. Numérisation du Livret Scolaire du Lycée (LSL) 
  16. Portail de ressources Internet responsable 

 

 

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