OpenAccess : le virus fossoyeur de la recherche scientifique française ?
« Sous l’influence du mythe de la gratuité, Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat au numérique, incite les chercheurs français à mettre en accès gratuit (open access) leurs publications scientifiques, dans des délais tellement courts que la plupart des institutions académiques françaises et étrangères seront encouragées à se désabonner des revues scientifiques françaises et que le marché s’effondrera ». Voilà ce que précise dans un communiqué publié ce matin (lundi 18/01/2015) la FNPS (Fédération nationale de la presse d’information spécialisée) associée pour l’occasion au SNE (Syndicat national de l’édition).
En cause, un article du projet de loi numérique qui prévoit effectivement de mettre en libre accès, les résultats publiés de la recherche (publique) et contre lequel les éditeurs sont vent debout estimant que celui-ci aurait vocation à se transformer en « fossoyeur de la recherche scientifique française« .
Pourquoi ? Toujours selon les co-auteurs de ce communiqué, cela reviendrait à favoriser « les géants de l’internet » qui pourront dès lors profiter de résultats qui ne leurs auraient rien coûté, ce qui – à termes – reviendrait à « … détruire l’édition scientifique française indépendante, d’accélérer la concentration et l’étatisation de ce secteur. Au risque de créer de nouvelles dépenses publiques et au-delà d’affaiblir la diffusion de la pensée et de la langue françaises ».
L’inquiétude est palpable et l’alerte est donc lancée quant aux enjeux économiques et moraux qui relèvent de ce choix d’ouverture aux données publiques qui, rappelons-le est également en débat au niveau européen.
Quels délais entre la publication proprement dite et la mise en ligne ?
Tout en se déclarant favorables aux principes de l’Open Access, les éditeurs estiment que la recherche d’un équilibre économique satisfaisant n’est pas possible en l’état compte tenu « des délais imposés par le projet de loi » et qu’en ce sens tout cela « constitue une nouvelle atteinte au droit d’auteur », d’où la demande formulée dans le communiqué de retrait de l’article concerné (art. 17 du projet de loi numérique).
Le paradoxe de cette agitation qui relève d’inquiétudes légitimes sur l’analyse des risques et les impacts potentiels en termes « économiques et francophones », c’est qu’originellement le texte prévoyait deux délais distincts entre publication et mise en ligne selon les matières : 6 mois pour tout ce qui relève des Sciences, Technique et Médecine et 12 mois pour les Sciences Humaines et Sociales. Délais que les communautés scientifiques trouvaient trop longs.
Le législateur propose alors de diviser par deux ces délais et les éditeurs, déjà peu favorables au texte proposé initialement, ne peuvent que soulever de nouveau cette problématique qui met en porte-à-faux intérêts scientifiques et économiques.
Dans cette aube de la révolution numérique que nous vivons, les équilibres et les acquis n’ont pas fini d’être mis à mal, et c’est une vraie gageure que de rechercher par la Loi, des réponses et des perspectives à cet horizon qui nous fascine autant qu’il nous bouleverse.
Quoi qu’il advienne, le mérite de la démarche initiée par la Secrétaire d’Etat au Numérique, madame Axelle Lemaire, est bien de mettre ces sujets en lumière et accessibles à toutes celles et ceux qui par intérêts citoyen et/ou professionnel, vont devoir faire de cette révolution leur quotidien de demain.
A vos data citoyens !
N. B. L’état Français a engagé une politique ambitieuse depuis deux ans, notamment en matière d’ouverture et de partage des informations détenues par la puissance publique. Aujourd’hui, plus de 13 000 jeux de données sont disponibles sur data.gouv.fr, et la France est désormais sur la 3e marche du podium mondial de l’open data. En 2016, la France prendra la présidence du « Partenariat pour le gouvernement ouvert » (Open Government Partnership).
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